Alexander Makogonov est un personnage étonnant. Fréquemment invité à s’exprimer sur les ondes, le porte-parole de l’ambassade de Russie en France tord ou dissimule les faits de la guerre en Ukraine avec une constance remarquable. N’hésitant pas, preuves sous les yeux, à nier les massacres, son attitude met en difficulté les journalistes les plus chevronnés : quelle réalité opposer à celui qui nie le réel ?
Certes, la propagande est le trait classique d’un régime dont la fuite en avant criminelle impose d’aller toujours plus loin dans le mensonge. Mais le cas de Makogonov dit quelque chose d’autre. Il parle de la lutte qui se joue entre nos démocraties libérales -dont les principes de transparence et de vérité sont le ciment des liens politiques- et la Russie de Poutine. Alors que du temps de l’URSS et de la doctrine Jdanov il était possible de mentir au peuple en lui cachant les faits, l’agora numérique des réseaux sociaux peut aujourd’hui révéler le mensonge, de manière quasi instantanée. Et pourtant celui-ci se diffuse, sur fond de défiance envers les politiques, les journalistes et plus largement envers les institutions. Cette pente est dangereuse et nous en connaissons bien l’issue possible : la victoire idéologique et politique des extrêmes.
Face aux mensonges sur lesquels prospèrent les populismes, que faire ? Réapprendre à douter, paradoxalement. C’est-à-dire tracer une frontière claire entre la recherche honnête de la vérité et le complotisme, sa version falsifiée. Le bon doute est inquiet, défend des thèses tout en restant ouvert aux arguments de l’autre. Le mauvais doute ne supporte aucune contradiction et n’est pas étayé par des faits. Le premier est le fondement de la démarche scientifique, le second celui du complotisme.
Ce combat sera long et difficile, mais j’ai la conviction qu’il peut être gagné. Promouvoir partout la curiosité scientifique. Eveiller nos enfants à la notion de causalité, en les invitant à tâtonner de façon ludique comme savent le faire nombre d’enseignants. Préférer toujours la rigueur du doute à la paresse de la confirmation.
Pour défendre la démocratie nous avons besoin de devenir les animaux politiques que réclame notre époque. Cela implique de retrouver le goût des faits et de la vérité.